À la rencontre de la Chine en l'espace de 30 ans, la Chine vue à travers l'objectif d'un photographe français

2021-11-29 13:06:24|Xinhua

Yann Layma a été très agréablement surpris de retrouver les protagonistes des photographies qu'il a prises en Chine il y a 30 ans.

Sur une de ces photos, une femme de l'ethnie Dong d'âge moyen portant une palanche apparaît heureuse, le visage lumineux. Elle porte ses deux enfants dans des paniers de bambou aux deux extrémités. Derrière elle, au loin, se trouvent une vallée et un pont qui enjambe la rivière. Ce cliché pour lequel M. Layma a reçu des critiques élogieuses figure dans son dernier recueil intitulé "La mer des chansons, au pays des Dong".

"Nous ne nous attendions pas à ce que cet entretien soit réalisé en ligne, ni à ce qu'elle (la femme sur la photo) soit présente. J'ai été agréablement surpris. Il y a eu d'énormes changements dans cette région qui essaie de préserver sa culture locale", a dit M. Layma, "les enfants dans les paniers ont eu un peu peur quand ils nous ont vus. Ce n'est qu'au moment où nous avons invité leur mère à chanter que leur expression est devenue plus naturelle".

Le journaliste de Xinhua avait rencontré la personne sur la photo dans un champ de thé. Nous l'avons retrouvée et mise en relation avec le photographe français lors d'un entretien en ligne.

139912168_16195941183721n.jpg

Yang Naiqunjian et ses petits-fils sur un chemin de montagne à Tangchao, un village du comté autonome Dong de Sanjiang, dans la région autonome Zhuang du Guangxi (sud), le 18 mars 2021. (Xinhua/Zhou Hua)

"Est-ce l'étranger qui a pris la photo ? Je m'en souviens très bien, il était apparu soudainement et il avait l'air vraiment différent de nous autres Chinois !" s'est-elle remémorée. "Il n'y a plus beaucoup de gens qui utilisent les paniers en bambou pour porter les enfants, de nos jours. C'est la coutume ici, et je n'ai rien ressenti de spécial à l'époque. Ce sont mes enfants, je ne me sentais pas fatiguée en les portant". Elle a confié aux journalistes que lorsque ses enfants avaient vu un étranger pour la première fois il y a trente ans, ils s'étaient mis à pleurer.

"J'ai pris des centaines de milliers de photos illustrant la vie quotidienne de la Chine dans de nombreuses régions, tout ce qui peut en illustrer la spécificité et les changements", a confié le photographe.

Né en 1962, Yann Layma a été le photographe du président français de l'époque François Mitterrand au palais de l'Elysée pendant un an, en 1984. En raison de sa contribution de premier plan aux échanges culturels sino-français, M. Layma a été décoré de la Légion d'honneur.

Depuis plus de 30 ans, il a parcouru les montagnes et les rivières chinoises et y a pris plus de 600 000 photos. Il y a effectué plus de 60 reportages photographiques, et a pu constater de nombreux changements dans la vie de ses sujets.

L'ethnie Dong vit au bord des montagnes et des rivières, avec une culture riche et spécifique qui s'est transmise de génération en génération. C'est en 1988 que Yann Layma a visité leur région pour la première fois. Un grand nombre de ses photographies de cette ethnie ont fait sensation sur la scène internationale, faisant de Sanjiang dans le Guangxi et de Liping dans le Guizhou lieux fréquentés par les touristes et les anthropologues étrangers.

"A cette époque, il n'y avait aucune information ni recherche sur l'ethnie Dong dans le monde occidental, et même le nom de "Dong" n'était pas connu. Cela a d'autant plus attisé ma curiosité. A l'époque, j'avais déjà fait des recherches en Chine, mais j'avais obtenu très peu d'information sur le sujet. J'ai donc décidé d'entreprendre un voyage chez les Dong", a poursuivi le photographe français de renom.

"Un soir, alors que je traversais la Seine dans le centre de Paris, j'ai proposé à mon meilleur ami Simon Pradinas d'aller ensemble dans la communauté des Dong. Il pourrait faire un film, écrire quelque chose pour un magazine, peut-être aussi un livre. Il a immédiatement accepté, prêt à se lancer dans une toute nouvelle aventure", se rappelle-t-il.

"De Guilin à la région de Sanjiang, le transport est peu pratique. Nous avons loué un véhicule utilitaire à l'ancienne. Après une longue journée, nous sommes allés au village Tangchao et quelques d'autres villages de la communauté des Dong. Il a fallu beaucoup de temps pour parcourir le chemin sinueux en montagne".

La construction d'autoroutes a considérablement amélioré la vie locale, surtout après l'an 2 000. "Il est vrai que de grands changements ont eu lieu dans la région. Je suis très heureux de voir que leur vie s'est améliorée. Lorsque j'y suis allé récemment, l'hôtel était grand et agréable. Il y a 30 ans, là-bas, il n'y avait pas vraiment d'hôtels décents pour les voyageurs".

"Je m'intéresse plutôt à la préservation de la culture locale. Il existe une opposition entre la modernisation et la préservation de la culture". Selon M. Layma, la région a également fait des efforts et de nombreux bâtiments en bois caractéristiques sont toujours debout. Certains villageois chantent dans les maisons traditionnelles en costumes ethniques et se produisent pour les touristes.

139912168_16195941183741n.jpg

Vue aérienne de Tangchao, un village du comté autonome Dong de Sanjiang, dans la région autonome Zhuang du Guangxi (sud), le 16 mars 2021. (Xinhua/Cao Yiming)

En 2018, M. Layma est retourné prendre des photos dans la communauté des Dong. Il a été surpris par les énormes changements dans la région et les villageois qu'il avait rencontrés à l'époque lui ont manqué.

Pendant des décennies, il a photographié des femmes à l'air fatigué en train de se reposer sur le bord de la route, des étudiants dans des dortoirs de l'Université de Beijing, des voitures à siège rigide de trains de longue distance ... Bref, la vie quotidienne et les émotions de Chinois, les petits détails qui échappent à l'observateur inattentif mais pas à l'objectif de Yann Layma, nous reliant au passé d'une manière ou d'une autre.

Même aujourd'hui, le photographe français retourne souvent, en rêve, au village des Dong, pour contempler les montagnes, les rivières et les gens qu'il a vus il y a 30 ans.