Wang Wei, une vie hors du commun et des rêves de pâtisserie

2022-03-29 09:45:34|La Chine au présent

Étudier la médecine chinoise et travailler comme préparatrice en pharmacie hospitalière, être responsable des ressources humaines dans une grande entreprise relevant du gouvernement central, et revenir en Chine après une formation en France pour créer et exploiter une pâtisserie à la française : Wang Wei, la fondatrice de la marque de pâtisserie Guojiang, a vécu trois expériences professionnelles radicalement différentes. Une existence façonnée par des choix hors du commun.

Une vie tranquille ou une vie de rêve ?

Mme Wang a grandi à Beijing et est issue d’une famille travaillant dans l’aérospatiale. Ses parents et les membres de sa génération dans sa famille sont des ingénieurs dans le secteur chinois de l’aérospatiale. Durant son premier cycle dans le supérieur, Mme Wang a choisi l’Université de médecine traditionnelle chinoise de Beijing pour étudier la chimie de la médecine chinoise. Après avoir obtenu son diplôme, elle est entrée dans un hôpital comme préparatrice de pharmacie et a poursuivi ce travail pendant plusieurs années. Ce poste correspondait à sa formation et offrait des horaires de travail réguliers. Mais la jeune femme dynamique s’ennuyait de cette routine, de ce trajet journalier entre son domicile et son travail. Afin de se livrer à des activités plus créatives et stimulantes, elle a quitté l’hôpital et postulé pour un emploi dans une grande entreprise sous l’égide de China Aerospace Science and Industry Corporation, où elle s’est occupée des ressources humaines. Au bout de quelques années cependant, son besoin d’expériences nouvelles est revenu au galop.

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L’envie de bouger lui a pris un jour de 2014, lorsqu’elle a remarqué un article d’un blogueur culinaire sur Weibo. Celui-ci avait étudié la pâtisserie à l’Institut des arts culinaires Le Cordon Bleu, en France, et partageait souvent des vidéos et des notes en ligne sur ses préparations. Mme Wang, une gastronome qui aime le partage, s’est sentie rassérénée en regardant les desserts prendre forme à partir de quelques ingrédients. Elle a alors commencé à s’informer sur la pâtisserie, à acheter des livres, à visionner des vidéos et à suivre des cours en ligne. Ces temps de loisirs que lui laissait son travail contraignant la comblaient au plus haut point.

En 2016, elle a pris de longues vacances pour se rendre à Changsha (chef-lieu du Hunan) et suivre durant près d’un mois un cours de pâtisserie auprès d’un enseignant spécialisé qui avait vécu en France. La première fois qu’elle a mélangé la pâte et a vu le résultat de sa cuisson, elle a ressenti une joie immense. À son retour à Beijing, elle a commencé à acheter ses premiers équipements pour pâtisserie et ouvert une « maison familiale des desserts » afin de se faire la main. Elle a éprouvé une satisfaction inégalée quand sa famille et ses amis l’ont félicitée pour ses créations. C’est aussi à partir de ce moment qu’elle a compris qu’elle ne souhaitait plus faire de la pâtisserie en dilettante, mais qu’elle voulait se consacrer pleinement à ce métier : c’est ce qui la passionnait et lui procurait un sentiment d’accomplissement.

Il n’est jamais trop tard pour commencer

S’accrocher à un emploi stable, ou alors, la trentaine passée, se lancer à la poursuite de ses rêves en prenant le risque de tout perdre, tel est le dilemme qui a longtemps tiraillé Mme Wang. En fin de compte, la jeune femme a décidé qu’elle ne voulait pas « voir filer les 20 ou 30 prochaines années », mais plutôt explorer les possibilités illimitées de l’avenir. En 2017, elle a démissionné de son poste de DRH après dix ans de bons et loyaux services. Elle a ensuite passé près d’un an à apprendre le français et à chercher des informations sur les écoles, se préparant au mieux pour étudier la pâtisserie en France.

Début 2018, Mme Wang est entrée à l’École des arts culinaires Lenôtre à Versailles pour entamer un cursus professionnel de pâtisserie. Le groupe Lenôtre a été créé il y a plus de 60 ans. Son fondateur, Gaston Lenôtre, est connu comme l’initiateur de la pâtisserie française moderne. Mme Wang admirait sa culture et sa marque, et a finalement choisi d’y étudier. Confrontée à environnement social inconnu et à une forte pression scolaire, elle n’a eu de cesse de s’adapter et son enthousiasme pour l’apprentissage de la pâtisserie lui a rapidement permis d’apprécier sa situation. Elle avait cours cinq jours par semaine, avec des réunions d’évaluation tous les vendredis. Les enseignants jugeaient tout, des connaissances des apprentis à la fabrication des sirops, la moindre différence affectant le produit final. « Chaque professeur a des exigences très strictes sur les détails de la confection des desserts, et cette attitude extrêmement sérieuse et responsable envers les produits et les apprentis m’a profondément impressionnée », se souvient Mme Wang.

Cette conduite rigoureuse n’est pas propre à l’école, elle se retrouve aussi dans les pâtisseries de Paris. Mme Wang profitait souvent de son temps libre pour visiter les meilleures boulangeries et pâtisseries de la capitale afin d’échanger et d’apprendre davantage. Elle a ainsi découvert un phénomène particulier : les enseignes réputées et populaires étaient souvent temporairement fermées. Elle a finalement compris que cela était dû aux critères draconiens des chefs pâtissiers. Par exemple, si un ingrédient vient à manquer ou si des problèmes mineurs surviennent, le produit fini peut en pâtir. Si, pour les clients ordinaires, la différence de goût est insignifiante, pour le chef pâtissier, cette saveur est primordiale : les exigences n’étant pas respectées, la pâtisserie ne peut pas être vendue. Mme Wang a ainsi dû se rendre trois fois dans un établissement pour enfin pouvoir goûter son pain. L’attente était à la hauteur de ses espoirs, car à la première bouchée, le plaisir de ses papilles lui a fait comprendre instantanément ce qui se cachait derrière cet entêtement. « En plus de l’artisanat et des techniques, j’ai également appris la leçon la plus précieuse : c’est l’esprit de l’artisan qui anime les chefs pâtissiers. »

Le rêve prend enfin forme

Quelques mois d’études enrichissantes et inoubliables en France ont permis à Mme Wang d’ouvrir un magasin et de démarrer son entreprise. Après son retour à Beijing, elle s’est lancée dans la création de sa propre marque. Tenant compte des contraintes pratiques et agissant méthodiquement, Mme Wang a décidé de commencer par la vente en ligne. Trouver un logement, acheter du matériel, développer des produits, promouvoir ces derniers : elle a dû tout faire elle-même sans partenaire. Fin 2018, elle a officiellement ouvert son atelier en proposant principalement la livraison de desserts et de pâtisseries pour les pauses-café dans des entreprises et cafés. L’objectif de Mme Wang à ce stade était de stabiliser ses produits et de trouver un maximum de clients. Et elle y est parvenue ! En un peu plus de deux ans, elle a réussi à faire connaître sa marque par le biais de grands magasins en ligne et de boutiques coopératives physiques. Elle coopère notamment avec des entreprises réputées comme JD.com, Tencent et Volkswagen, avec une clientèle de plus de 9 000 personnes au total.

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« Créer sa propre marque, c’est comme élever un enfant. Si vous restez en ligne tout le temps, il se peut que cet enfant ne puisse jamais grandir », conseille-t-elle. Après avoir accumulé une certaine expérience dans la phase virtuelle, Mme Wang a décidé d’établir un magasin physique. Un sacré défi ! De l’emplacement du magasin à sa décoration, du positionnement des produits au recrutement du personnel, elle n’a pas ménagé ses efforts et après six mois de travaux préparatoires, l’enseigne a officiellement ouvert ses portes le jour de Noël 2021.

La marque de pâtisserie de Mme Wang s’appelle Guojiang, et son nom français est Pardes, un mot-valise tiré des noms « partage » et « dessert ». Qu’il s’agisse des connaissances sur la santé et le bien-être qu’elle a accumulées quand elle était étudiante de premier cycle ou du savoir-faire acquis lors de ses études en France, Mme Wang a strictement établi les principes et les objectifs de ses produits en termes de production : sélectionner des ingrédients purement naturels et sains, et faire uniquement ses préparations à la main. Pour ce qui est de la saveur, elle a opté pour le style français, mais elle a ajusté ses recettes en réduisant notamment la quantité de sucre et de beurre afin de les rendre plus compatibles aux goûts des Chinois du Nord, et pour davantage répondre à la demande en produits sains et à faible teneur en matière grasse des jeunes d’aujourd’hui.

Deux mois après son ouverture, Guojiang s’est classé premier parmi les marchands de l’application de DianPing dans la catégorie « Pâtisseries et pains » de son district. Guojiang attire de nombreux expatriés des entreprises étrangères environnantes, ainsi que des jeunes passionnés par la France et qui aiment les desserts français. Récemment, un atelier organisé par l’Association des anciens étudiants chinois en France s’y est déroulé, avec le soutien de Campus France. Des personnes qui souhaitent étudier en France ou qui sont revenues de France s’y sont réunies pour goûter de délicieux desserts, expérimenter personnellement ces préparations et découvrir la culture culinaire française. « À l’avenir, j’espère également diversifier le fonctionnement de Guojiang en tant que plateforme d’hébergement d’activités en présentiel avec différents thèmes et sous différentes modalités, et créer un pont pour les échanges culinaires et culturels sino-français », conclut Mme Wang.