Bambou Studio, à l'écoute des échanges culturels sino-français

2022-10-20 16:33:24|Dialogue Chine-France

En octobre, une série de podcasts en français intitulée « Pourquoi la dynastie des Song nous fascine ? » sera diffusée sur Apple Podcasts, Google Podcasts, Spotify et Sybel. Co-produite par Bambou Studio, une jeune pousse chinoise dans le monde du podcast francophone, et H.A.R.P (Homme Adequation Reflet Perspective), une PME française, cette série en 25 épisodes tente de donner un aperçu panoramique de la dynastie des Song tout en se focalisant sur les réalisations culturelles et autres acquis sociaux de cette période de l’histoire chinoise.

Redécouverte des Song au 21e siècle

« C’est la maison d’édition Sanlian Zhongdu qui nous a donné l’idée de lancer cette série », raconte Yang Xiaolan, rédactrice en chef de Bambou Studio. En 2019, Sanlian Zhongdu a lancé une série de podcasts en chinois sur la dynastie des Song et une dizaine de spécialistes ont été invités à présenter au public l’esthétique des Song sous différents angles. Le programme a eu un succès énorme en Chine. 

« En fait, nous avons constaté ces dernières années un engouement pour cette dynastie : les Chinois du 21e siècle redécouvrent les charmes de la culture des Song, perçus aujourd’hui comme de fins connaisseurs de l’art de vivre. Sur le plan social, c’était une époque de grandes mutations, au passage du classicisme à la modernité, une période toute particulière dans l’histoire chinoise. Nous avons pensé que ce genre de contenu aurait des chances d’intéresser un public francophone ayant une prédilection pour les arts et culture », explique Mme Yang.

????.jpg

Vêtements traditionnels de la dynastie des Song

Sur la base du script chinois fourni par Sanlian Zhongdu, Bambou Studio a donc réorganisé les matières de façon à en faciliter la réception par les auditeurs, en enlevant notamment les contenus trop « académiques » et en gardant ceux susceptibles de trouver facilement un écho auprès des auditeurs étrangers qui s’intéressent à la culture chinoise sans toutefois être experts.

Les idées de Mme Yang ont suscité l’intérêt d’Olivier Cauchois, directeur de production de H.A.R.P., qui a animé pendant 5 ans une émission hebdomadaire de 50 minutes sur l’histoire chinoise avec une professeur d’histoire de l’éducation nationale française. Dans l’émission, il jouait le rôle du « candide », qui pose des questions en essayant de faire des liens avec l’histoire française et européenne. Selon lui, la dynastie des Song marque une période très riche, notamment en matière d’inventions, avec un style de vie très particulier.

« Le public français aime l’histoire. Sur toutes les radios, de France Inter à RTL en passant par Europe 1, les plus gros succès en podcast sont ceux qui traitent de l’histoire », confie-t-il. Il constate que le choix des Song permet au public de faire un parallèle entre l’histoire de Chine et des épisodes très connus de l’histoire de France qui résonnent encore aujourd’hui, comme le siècle des Lumières ou encore la Renaissance. « L’histoire est intéressante car elle permet d’expliquer le présent d’une façon “intelligente”, en laissant l’audience faire les liens entre le passé et le présent. C’est un contenu attractif et adapté au public français. »

??????????????? ?? ?.jpg

Vue nocturne de Kaifeng, ancienne capitale de la dynastie des Song

Au cours de la production de l’émission, M. Cauchois a été très impressionné par le style de vie des lettrés pendant la dynastie des Song. « Cette quête permanente de la satisfaction des désirs “naturels et nécessaires” constitue un pont avec l’histoire européenne et la philosophie grecque de l’Épicurisme. C’est aussi l’angle philosophique, qui est intéressant et qui retient mon attention : une sagesse et une recherche de la compréhension de soi qui fait écho en moi, même dans mon quotidien », fait-il remarquer. Il trouve que les réformes entreprises pendant cette période, que ce soit dans l’administration ou dans le domaine des arts, présentent également un aspect fascinant.

Contribuer aux échanges culturels sino-français

Si vous avez hâte d’écouter « Pourquoi la dynastie des Song nous fascine ? », ne ratez pas d’autres séries produites par Bambou Studio. Lancée en septembre 2021, l’équipe compte une dizaine de personnes, toutes francophones et partageant la même passion pour le micro. Selon Mme Yang, l’image du bambou fait penser à la Chine. Malgré sa fragilité apparente, cette plante est très endurante et peut vivre sous des conditions rustiques, à l’image de la culture et des échanges culturels. « Contribuer aux échanges culturels entre la Chine et le monde francophone, c’est le travail de Bambou. Le podcast, en tant que média d’accompagnement peu agressif, correspond tout à fait à notre objectif », souligne-t-elle. 

Malgré sa fondation récente, Bambou Studio a déjà sorti des séries très diverses, avec notamment deux séries culturelles, « Mythologie chinoise » et « Pourquoi la dynastie des Tang nous fascine » ? ; des programmes essentiels abordant l’actualité et la société, comme « Cette semaine en Chine », un journal hebdomadaire de 6 minutes faisant tous les vendredis le tour de l’actualité chinoise ; l’émission « Comment dire en chinois ? », qui décortique les termes et expressions populaires du moment dans la langue chinoise et observe l’évolution de la société chinoise à travers ces mots ; et « Cogito », qui tente de donner des pistes de réflexion pour comprendre l’actualité dans le monde. Bambou Studio propose par ailleurs deux émissions de débat : « L’Essentiel » qui suit les sujets d’actualité et « Ça nous intéresse » qui donne la parole aux jeunes.

??.jpg

Un spectacle baptisé « Banquet nocturne au palais Tang »

La série en 10 épisodes « Mythologie chinoise » a été la première « pousse » de Bambou. « Nous savons que le storytelling est un genre de contenu audio particulièrement populaire et que le public a un intérêt insatiable pour les histoires de fantaisie, les légendes, les mystères… J’ai donc pensé à la mythologie », explique Tai Xueqing, productrice de Bambou Studio. Plutôt que de lire simplement de vieilles histoires, Mme Tai essaie de trouver des nouveautés dans ces contes et légendes qui se racontent en Chine depuis 2 000 ans, et de les revisiter avec un regard contemporain, de manière à alimenter les discussions autour de deux grands thèmes éternels : l’origine et l’avenir de notre monde. Elle recherche en outre des similarités avec les légendes occidentales et des liens avec l’actualité permettant de faciliter la réception par le public francophone. Par exemple, elle présente l’histoire de Pan Gu, le dieu qui a créé le monde, comme une version chinoise de la Genèse ou du Big Bang et aborde l’histoire de Chang’E, la déesse de la Lune, par la mission chinoise d’exploration lunaire.

????.jpg

Un spectacle de théâtre d'ombres sur la mythologie chinoise de « Chang'E vole vers la Lune »

Cette idée consistant à trouver des liens avec notre monde d’aujourd’hui est également primordiale dans l’émission « Comment dire en chinois ? », une série abordant les néologismes et les nouvelles expressions populaires en chinois. « “Comment le dire” n’est jamais notre objectif primordial. L’émission est accessible aux néophytes en chinois, car c’est l’histoire derrière les mots qui nous intéresse avant tout : pourquoi tels mots sont apparus ? Quelles tendances de la société indiquent-ils ? Notre cours s’adresse à tous ceux qui souhaitent découvrir la Chine actuelle », remarque He Shan, productrice de Bambou Studio. Elle constate que beaucoup de néologismes présentés dans l’émission sont apparus récemment et ne disposent pas encore de traduction consacrée. Même s’ils sont composés de mots simples, ils resteront incompréhensibles s’ils sont traduits de façon trop littérale et il vaut mieux trouver leur équivalent en français. Par exemple, quand les Chinois « touchent le poisson » (摸鱼 mō yú) au travail, les francophones parlent plutôt de « glander », et en chinois, un « gros bonnet » se dit 大咖 (dà kā).

Un bel avenir pour l’audio

Contrairement aux vidéos courtes qui ont explosé sur la toile ces dernières années, les podcasts audios sont dépourvus d’images. Pour Xiong Huizhong, réalisatrice de la série « Pourquoi la dynastie des Tang nous fascine ? », cette absence d’images contribue justement à leur charme. « Cela fait jouer l’imagination, grâce aux jeux de lecture, de musique et de son », affirme-t-elle. Le choix de la musique est ainsi primordial pour un programme audio. Pour présenter la ville de Chang’an, la capitale des Tang avec ses cent huit ruelles et ses habitants venus du monde entier, elle a par exemple choisi un morceau de musique intitulé « Légende de l’Orient » pour « faire entendre » l’esprit d’ouverture de cette ville.

Mme Xiong accorde également une grande attention au bruitage. Bambou Studio dispose d’une riche banque de sons, qui fournit toutes sortes de matières sonores : cris, papotage, brouhaha, galopades, tambours… Pour la série sur la dynastie des Tang, elle a fait enregistrer les poèmes en chinois puis monter ensemble les lectures en français et en chinois, pour permettre à l’auditeur d’apercevoir la beauté phonétique de la poésie classique chinoise. « Un bon produit peut amener l’auditeur à fermer les yeux et à former des images dans son esprit », explique-t-elle.

Les émissions produites par Bambou Studio ont été mises sur les principales plateformes mondiales dédiées aux podcasts : Apple Podcasts, Spotify, Google Podcasts ou encore Sybel. « Pour autant, il faut beaucoup de patience et peut-être un peu de chance pour qu’un nouveau diffuseur trouve son audience, car ces plateformes ne proposent quasiment pas de moyens commerciaux pour promouvoir les émissions et interagir avec les auditeurs », déplore Fu Xu, chargé de promotion de Bambou Studio. En France, les podcasts les plus écoutés sont les histoires policières, les romans littéraires et les guides de bien-être. Contrairement à la tendance des « vidéos courtes », il note que les auditeurs de podcasts préfèrent les émissions plus longues et les contenus plus profonds. 

« Cela fait presque 20 ans qu’on dit que la radio est morte. Mais non, la radio n’est pas morte. Elle est révolue et fait peau neuve avec le développement du podcast. Aujourd’hui, de plus en plus de gens écoutent des contenus audios sur leurs smartphones ou sur des enceintes connectées… En France, pour le seul mois de mars 2022, ce sont 155 millions de podcasts qui ont été écoutés. Il y a donc un bel avenir pour l’audio », assure-t-il.

Bambou Studio et H.A.R.P préparent une nouvelle série avec Shen Dali, une personnalité des échanges sino-français et un livre audio à partir de l’œuvre « Le Diseur de mots ». « J’espère qu’il y aura encore d’autres projets par la suite, car c’est pour moi une source d’enrichissement importante, qui a du sens au présent. J’apprends autant que je travaille », se réjouit M. Cauchois.

Yang Xiaolan annonce que plusieurs programmes culturels sont prévus pour l’année prochaine : des histoires sur la poésie des Tang, une série sur les instruments musicaux chinois et quelques livres audios avec une sélection de nouvelles classiques. « Mais je ne vous en dis pas plus, je vous invite à les écouter ! », conclut-elle.