Marie Derien : Le numérique, une bonne surprise devenue un indispensable

2022-10-20 16:33:25|La Chine au présent

En arrivant en Chine il y a cinq ans, je ne pensais pas que l’un des points qui m’impressionnerait le plus serait l’économie et l’environnement numériques du pays.

Mon premier contact avec l’économie et l’environnement numériques chinois s’est fait avant même mon arrivée en Chine pour mes études. En 2017, je me préparais pour mon année d’échange à Beijing. Lors d’un repas avec une amie chinoise de ma promotion, elle a attrapé mon téléphone pour installer trois applications selon elle indispensables dès que je mettrais le pied en Chine : WeChat, Meituan et Taobao. Respectivement, ces applications sont une messagerie, une application pour réserver tous types de services et de tickets, et une application marketplace pour faire du shopping. Ce n’est qu’en arrivant à Beijing que j’ai compris à quel point ces applications deviendraient partie intégrante de mon nouveau quotidien.

Je me suis assez vite acclimatée à ce nouveau mode de vie si « en avance » par rapport à ce que je connaissais auparavant. Beaucoup d’aspects de la vie quotidienne pouvaient se résoudre grâce à un simple téléphone : paiements, commander à manger, faire ses courses, faire du shopping... Il n’y avait rien qui ne pouvait pas s’accomplir avec une application. 

En plus de profiter de la praticité du mode de vie qu’apportait l’économie numérique chinoise, je me suis mise à consommer de plus en plus de contenu sur les réseaux sociaux chinois comme Douyin (le pendant chinois de TikTok) ou Xiaohongshu, une application semblable à Instagram et Pinterest combinés. J’aimais aussi depuis longtemps regarder beaucoup de contenu produit par des vulgarisateurs français ou anglophones. Souvent, il m’arrivait de partager des anecdotes, de petites histoires ou d’expliquer des détails de la culture française à mon petit ami chinois, qui apprenait aussi le français avec moi sur son temps libre. L’idée est alors venue pendant que nous prenions un café un après-midi : j’aimais raconter des histoires, partager ma culture, ma langue. Et si je me lançais moi aussi dans la création de contenu ?

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Ma niche était toute trouvée : j’avais un intérêt particulier pour les langues, la culture, l’histoire en général, mon éducation portait aussi sur ce domaine. En plus de cela, je parlais la langue assez bien pour pouvoir mener des vidéos exclusivement en chinois. Je partagerais donc ma culture et ma langue en chinois, de mon point de vue. Cette combinaison est assez rare sur les plateformes vidéo et m’a donné de la visibilité dès le départ. Encore maintenant, l’inspiration pour le sujet d’une vidéo vient souvent au fil de discussions avec mon petit ami. J’aime beaucoup les petites anecdotes historiques, et souvent elles sont assez drôles pour pouvoir en faire le point de départ d’une vidéo qui s’étend ensuite vers un sujet plus sérieux.

Le thème de mon contenu est donc la culture et la langue françaises expliquées aux Chinois dans leur langue, avec leurs repères. J’aime à utiliser des ressorts comiques ou des termes employés couramment sur les réseaux sociaux chinois. Certaines de mes vidéos portent sur l’actualité en rapport avec la France ou le français : j’ai fait une vidéo sur la bande annonce des Jeux olympiques de Paris 2024, ou encore sur les paroles d’une chanson virale sur Douyin qui comprenaient un mot français. Les réseaux sociaux sont ainsi non seulement mon médium d’expression mais aussi une de mes sources d’inspiration. 

Mon activité se concentre pour l’instant sur Douyin et Bilibili (le pendant chinois de YouTube). Cette recette fonctionne bien : en un an et demi sur ces plateformes, j’ai pu accumuler 80 000 fans en tout. Je garde aussi actuellement une bonne courbe de développement. Voir que tant de gens s’intéressent à mon contenu me procure un grand sentiment d’accomplissement, je ne m’attendais pas à un tel succès en si peu de temps. Un autre des points qui m’enthousiasme est l’espace commentaire sous les vidéos. Les commentaires sont souvent très intéressants, il n’est pas rare que les commentaires de fans m’apprennent quelque chose sur le sujet de la vidéo. J’ai beaucoup de spécialistes dans mes commentaires ! 

En plus de ce sentiment d’accomplissement, publier ce contenu me rapporte un gain financier. Il y a deux canaux de rémunération principaux pour moi : d’abord, la plateforme récompense les créateurs en fonction des vues que les vidéos accumulent. Actuellement, ma vidéo la plus vue cumule 900 000 vues et la plateforme m’a rémunérée environ 3 000 yuans pour cette seule vidéo. L’autre moyen de rémunération est les vidéos sponsorisées, où l’on promeut un produit pendant la vidéo.

Avec le développement de mon contenu, j’espère rejoindre de nouvelles plateformes qui, de par leurs spécificités, permettent de produire un contenu différent des vidéos. Par exemple, l’application Xiaohongshu permettant de publier des photos et du texte, je pourrai partager des astuces pour apprendre les langues, notamment le français. Les applications comme Zhihu permettent de publier de longs articles... La diversité des plateformes me permettra donc dans le futur de diversifier mon contenu. Tous ces modes de partage sont très stimulants pour les créateurs.

J’ai une grande confiance dans le développement futur de mon activité. Dans ma production de contenu depuis plus d’un an, j’ai vu l’environnement numérique chinois se développer, se normaliser et devenir toujours plus qualitatif en termes de contenu. En plus de produire du contenu sur les réseaux sociaux, j’ai pu convertir certains de mes fans en élèves qui apprennent le français avec moi.

J’ai chaque semaine des heures fixes de cours avec des élèves de tous horizons, tous adultes. Il y a par exemple un ingénieur de chez Apple, un étudiant en philosophie à l’Université de Pékin, un autre actuellement en échange à l’étranger... Donner mes cours en ligne me permet de pouvoir toucher un public très large. Cela engendre des échanges toujours enrichissants des deux côtés. 

L’Internet me permet aussi de trouver facilement des ressources pour préparer mes cours, ainsi que de construire mon matériel d’enseignement. J’utilise des documents partagés en ligne pour pouvoir interagir avec mes élèves et les voir faire les exercices en temps réel. Aussi, les logiciels de visioconférence font que l’expérience de cours est optimale, c’est presque comme si j’étais là en personne pour faire cours. Ces rencontres en ligne se font également parfois dans la vraie vie : j’ai été ravie de rencontrer un de mes élèves lors d’un de ses séjours à Beijing.

Que ce soit pour le travail, pour la vie quotidienne, pour les loisirs ou pour partager et apprendre, l’environnement numérique chinois m’a beaucoup appris et a rendu ma vie beaucoup plus pratique. Avoir accès à tant de services depuis chez soi est un vrai confort dont je ne pourrais plus me passer.

 

MARIE DERIEN est créatrice de contenu et enseignante de FLE en ligne