Le 8 mai 2022, la boulangerie-pâtisserie Melody Luo Bakery a ouvert ses portes dans la rue Longshan Nanlu à Xiamen. Douze ans plus tôt, la patronne Melody, originaire de la banlieue parisienne, avait effectué son premier séjour à Xiamen et à l’époque, jamais elle n’aurait pensé qu’elle finirait par s’installer dans cette ville, et encore moins qu’elle y ouvrirait une pâtisserie française portant son nom.

Un penchant pour la Chine depuis l’enfance

L’intérêt de Melody avec la Chine a commencé alors qu’elle était encore toute jeune, un jour où son papa lui a montré un livre avec des images de pandas. Aussitôt, elle est tombée amoureuse de cet animal trop mignon, ce qui, parallèlement, a fait grandir sa curiosité et son attrait pour le pays d’origine de cet ursidé, à savoir la Chine. Après le collège, elle a délibérément choisi d’intégrer l’un des rares lycées d’Ile de France qui enseignaient le chinois dans ces années-là. Puis, dès la première année de lycée, cette élève studieuse a pu partir en Chine dans le cadre d’un court séjour d’échange de deux semaines (une opportunité habituellement réservée aux élèves de troisième année).

Ainsi, en 2003, Melody, âgée d’à peine 16 ans, a débarqué pour la première fois en Chine, à Shanghai, où elle a été logée dans une famille d’accueil chinoise. « Je ne parlais pas bien le mandarin à l’époque. Souvent, je ne comprenais pas ce qu’on me disait, mais je sentais bien que tout le monde était aux petits soins pour moi. Mes hôtes chinois (que je surnommais “oncle et tante”) craignaient que j’aie le mal du pays et m’encourageaient à manger plus. Quant à leur fille, elle m’apprenait la langue chinoise et m’expliquait aussi ce que je ne comprenais pas dans un anglais assez approximatif. C’était vraiment touchant toutes ces attentions de leur part », se remémore Melody. C’est alors que Melody, avide d’en découvrir plus sur la Chine, mais encore incapable de s’exprimer et de communiquer dans la langue locale, a pris la décision de revenir un jour ici, une fois qu’elle aurait étudié le chinois à fond, pour apprendre à connaître ce pays qu’elle chérit tant. À l’issue des deux semaines, Melody et sa famille d’accueil ont pris soin d’échanger leur adresse respective et ont promis de se revoir.

Après son retour en France, Melody a travaillé d’arrache-pied pour progresser en chinois, tout en restant à l’affût des éventuelles occasions de retourner en Chine. Fraîchement sortie du lycée, elle a déposé auprès du directeur de son établissement sa candidature à un programme d’échange pour devenir professeur de langue française à l’étranger à l’École des langues étrangères de Nanjing. Cependant, elle n’a pas été retenue, car elle était encore mineure. Après l’obtention de son baccalauréat, Melody a été admise à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) à Paris, au sein du département d’études chinoises. Mais dans le courant de sa première année, le directeur de son ancien établissement l’a appelée afin de lui demander si elle était toujours intéressée pour partir à Nanjing. Melody, entre étonnement et excitation, a dit et redit « Oui » plusieurs fois. Ainsi, cette jeune Française, à tout juste 18 ans, a entrepris un nouveau voyage en Chine. Et bien entendu, elle brûlait d’impatience de faire un détour par Shanghai pour s’acquitter de la promesse qu’elle avait formulée quelques années plus tôt.

Nanjing est la première ville chinoise où Melody a résidé sur une période prolongée, puisqu’elle y est restée deux ans. Elle était alors la plus jeune enseignante de français pour ses élèves chinois. À cette période, son niveau de chinois a progressé à pas de géant. Par la suite, Melody a remporté des bourses délivrées par la Chine et la France, profitant notamment d’une opportunité d’étudier un an en Chine, à l’Université de Suzhou. Ses expériences de vie dans différentes villes du pays lui ont permis de s’immerger dans la culture chinoise pour mieux la comprendre.

Un destin à Xiamen avec son âme sœur

Après avoir obtenu en France un master spécialisé en chinois et en communication, Melody a décroché un emploi de directrice des ventes pour la région Chine au sein d’un groupe français de spiritueux. Dans le cadre de ce poste à Shanghai, elle représentait le département Gastronomie de sa société. Un beau jour en 2015, Melody est partie en voyage d’affaires à Changsha, avec pour mission d’organiser et de coordonner une rencontre entre chefs pâtissiers chinois et français, pour qu’ils partagent leur savoir-faire. Luo Mengxiang, célèbre pâtissier de Changsha, avait été convié à l’événement. À ce moment-là, il venait tout juste de rentrer d’une visite en France, où il avait étudié la pâtisserie. Et il n’est pas resté insensible au charme de cette jeune fille française souriante qui animait l’événement. Melody se souvient bien de leur première rencontre : « Quand je l’ai vu pour la première fois, ce fut le coup de foudre. » Ce fut le coup de foudre ! Après quoi, Melody et Luo Mengxiang sont restés en contact, puis ont bientôt commencé à vivre ensemble une douce relation amoureuse. Et moins de deux ans après leur rencontre, ils se sont juré fidélité pour le restant de leurs jours. En 2017, ils ont célébré leur mariage à Anhua (Hunan), la ville natale de Luo Mengxiang. La salle de mariage était toute ornée de fleurs de prunier pour l’occasion, en référence au prénom chinois choisi par Melody, à savoir Meiluo 梅洛 (le caractère 梅 signifiant « prunier »). Vêtue de la robe de mariée de sa mère, Melody s’était avancée dans ce lieu magnifiquement décoré, sous le regard béat des deux familles, pour aller épouser l’homme de sa vie.

L’île de Gulangyu

Début 2018, Luo Mengxiang, qui faisait carrière à Shanghai, s’est vu proposer un emploi à Xiamen, ce qui a ravivé l’engouement de Melody pour Xiamen. À vrai dire, Melody était déjà allée une fois dans cette ville à l’été 2010, alors qu’elle était étudiante, sur l’invitation d’une amie française effectuant un échange à l’Université de Xiamen. Et en quelques jours seulement, elle était tombée amoureuse du joli cadre et du confort de vie qu’on y trouve. « C’est curieux quand même, le destin, affirme Melody. À ce moment-là, j’avais dit : “Ah, comme ils doivent être heureux ces gens qui vivent à Xiamen !” Et contre toute attente, huit ans plus tard, ce rêve est devenu réalité pour moi. »

Toujours en 2018, le jeune couple a emménagé à Xiamen, tous deux y appréciant l’air marin et les jolies rues propres. Ils adorent aussi l’élégance architecturale de l’île de Kulangsu au large et les doux sons de piano qui en émergent. Mais ce que Melody aime tout particulièrement ici, c’est l’océan. à Xiamen, elle peut rejoindre le rivage en 20 minutes à vélo et se ressourcer, à tout moment, comme si elle était en vacances. Melody a vécu dans pas mal de villes chinoises et elle déclare aimer Nanjing pour son atmosphère, Suzhou pour son côté rustique et Shanghai pour son côté « moderne ». Toutefois, selon elle, Xiamen est « l’endroit où il fait bon vivre ».

Voilà près de cinq ans que Melody s’est établie à Xiamen, et entre-temps, elle a été témoin du développement de cette ville balnéaire. Les moyens de transport sont désormais plus rapides et commodes, avec aujourd’hui trois lignes de métro desservant la villes. Pendant son temps libre, Melody aime faire du vélo pour aller à la plage prendre un bon bol d’air ou se rendre au parc Bailuzhou admirer des aigrettes.

Un « pont » pour l’amitié entre la Chine et les autres pays

À la fin de l’année dernière, Luo Mengxiang a entamé les préparatifs en vue de fonder une boulangerie-pâtisserie aux côtés de Melody. Après près de six mois de travail intense, leur boutique (dont l’appellation reprend leurs deux noms), a ouvert au printemps dernier.

Et déjà, c’est un franc succès ! Une foule de clients viennent non seulement pour y déguster de délicieux desserts, mais aussi pour témoigner de l’amour que se porte ce couple sino-français. Le week-end, Melody met la main à la pâte et aide dans le magasin. D’après elle, leur boutique permet aux Chinois de goûter aux viennoiseries et pâtisseries françaises traditionnelles, telles que les croissants, le millefeuille, la tarte aux pommes, etc. Mais ils prennent soin de les adapter aux goûts et habitudes des locaux pour proposer de savoureuses options moins sucrées. Leur innovation ? La glace au tofu : la rencontre choc entre des ingrédients chinois et des techniques occidentales. Un dessert aussi irrésistible que l’amour sans frontière qui règne entre Melody et Luo Mengxiang.

Ces dernières années, Melody a ouvert des comptes sur des réseaux sociaux tels que Xiaohongshu (ou RED) et Douyin (le TikTok chinois), où elle met régulièrement en ligne des vidéos retraçant sa vie en Chine, notamment à Xiamen. Mais dans son « vlog », les vidéos les plus populaires, ayant reçu des dizaines de milliers de « J’aime » de la part des internautes, sont celles où elle interagit avec sa belle-mère en direct d’Anhua. Melody considère déjà ce petit village, localisé à plus d’un millier de kilomètres de Xiamen, comme un deuxième foyer et surnomme affectueusement sa belle-mère « maman chinoise ».

En Chine, il existe beaucoup d’étrangers qui, comme Melody, se sont fondus dans la culture locale. En 2021, Melody a rédigé et fait paraître l’ouvrage My good time in China. Ce travail lui a pris environ un an. Melody a compilé 22 récits sur les étrangers et la Chine après avoir interviewé, sur place ou par téléphone, des personnes de tous pays et de toutes professions, avec comme point commun cette profonde affection pour la Chine. Que ce soit au travers de vidéos ou d’écrits, Melody espère jouer le rôle de « pont » pour les échanges entre la Chine et les autres pays, pour que davantage d’étrangers comprennent la Chine et que davantage de Chinois comprennent la vie des expatriés en Chine.

Melody nous a confié qu’elle aimerait bien, si l’occasion se présentait à l’avenir, que ses parents puissent lui rendre visite et enfin découvrir Xiamen. Et peut-être qu’un jour, ils ouvriront une autre boulangerie-pâtisserie « Melody » en France, pour faire aussi goûter aux Français la glace au tofu, ce subtil mélange de saveurs chinoise et occidentale.