Les bâtiments sur pilotis des Tujia

2022-12-26 09:58:00|La Chine au présent

Le peuple tujia vit dans les montagnes de Wuling, à cheval sur les frontières du Hunan, du Hubei et du Guizhou et de la municipalité de Chongqing. Les habitations traditionnelles les plus représentatives de cette ethnie sont les bâtiments sur pilotis.

Ces bâtiments présentent une structure en bambou ou en bois suspendue au-dessus du sol et érigée sur des pilotis en bois. Ils comptent habituellement deux étages, le bas étant utilisé pour l’élevage du bétail et le stockage des outils agricoles, et l’étage supérieur pour vivre. Autrefois, de telles constructions étaient courantes dans les régions du sud de la Chine, ce qui s’explique par les précipitations importantes et le climat humide. La plupart des gens vivaient sur des collines escarpées ; tout en s’assurant que les maisons étaient stables, ils devaient isoler celles-ci du sol de sorte à garder l’intérieur sec et se mettre à l’abri des serpents venimeux, des insectes et des animaux sauvages.

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Avec le temps, les bâtiments sur pilotis ont pris une forme distinctive et sont devenus un style d’habitation populaire unique aux Tujia.

Reposant principalement sur une charpente de bois, les bâtiments sont construits selon la topographie vallonnée locale. Le second étage comprend en général trois pièces : un salon central flanqué symétriquement par deux pièces plus petites. Le salon sert à recevoir les visiteurs, à réaliser des objets artisanaux ou à se détendre. C’est également l’endroit où la famille se réunit pour les repas. Les pièces jouxtant l’espace central sont les chambres ou la cuisine. Certaines sont divisées en deux parties par une colonne ; l’espace avant est de plain-pied et la zone arrière sert de chambre privée pour les membres de la famille. Le rez-de-chaussée est conservé comme un espace ouvert avec des colonnes de bois soutenant le bâtiment. Il peut être utilisé pour le stockage.

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Une maquette du bâtimen sur pilotis

Les bâtiments sur pilotis sont généralement orientés à l’est ou à l’ouest. Avec leur disposition spatiale flexible, ils sont érigés selon les variations topographiques des montagnes ou le long des vallées, en tenant pleinement compte de l’environnement naturel local. Ils prennent de nombreuses formes ; certains ont une extrémité qui ressort, d’autres ont les deux extrémités en surplomb, et d’autres encore ajoutent un étage sur ces parties surplombantes. Même quand ils ont une forme identique, les bâtiments sur pilotis ont des décorations intérieures distinctives, qui rendent chacun d’eux unique.

La structure en bois est entièrement assemblée par tenons et mortaises. Aucun clou ni boulon n’est utilisé dans les bâtiments. Inspirées par une gamme de sujets, les sculptures et les décorations des portes et des fenêtres sont variées, dynamiques et vivantes. Par contraste avec les tuiles grises et les murs en bois, les décorations présentent l’attrait esthétique de la simplicité et de l’élégance. Les artisans tujia attachent une grande valeur aux fonctions utilitaires ainsi qu’aux significations culturelles des bâtiments, qui sont révélatrices des superbes techniques architecturales des artisans et de leur ingénieuse créativité.

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Les Tujia considèrent la construction d’une maison comme l’une des priorités dans la vie. Ils choisissent habituellement un moment qui se présente sous des auspices favorables et demandent à un architecte en chef de sélectionner les arbres à utiliser comme bois de construction dans les montagnes. Ce bois provient généralement de l’ailante glanduleux (Ailanthus altissima, dit « vernis de Chine ») et du tupélo de Chine (Nyssa sinensis). Le premier se prononce de la même façon que le mot utilisé pour le « printemps » en chinois, et le second pour la « progéniture », ce qui est porteur de signes favorables.

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Il y a une tradition intéressante en ce qui concerne le choix du bois pour les arêtes et les poutres du plafond du salon central. Le propriétaire du bâtiment se rend généralement dans les montagnes pour trouver un arbre à deux troncs. Peu importe à qui appartient cet arbre, le propriétaire du bâtiment peut l’abattre secrètement et prendre le meilleur tronc comme poutre. Cette coutume est appelée « vol de poutres » par la population locale. En réalité, cela n’implique pas de vol, car les gens font exploser des pétards après que l’arbre a été abattu, et ils demandent à huit jeunes hommes de le ramener chez eux dans une atmosphère festive. Au lieu de blâmer le « voleur », le propriétaire de l’arbre exprime ses meilleurs vœux. Ce geste est considéré comme un symbole de bon augure et d’amitié. Pour le propriétaire de l’arbre, offrir le meilleur bois pour des poutres est considéré comme une grande contribution à la prospérité de la famille qui construit son logement sur pilotis. Il est honoré d’y avoir contribué.

Lorsqu’ils travaillent le bois et les poutres pour les colonnes, les charpentiers dessinent habituellement les huit trigrammes et le tableau de taiji, qui proviennent de la philosophie chinoise ancienne, ou les motifs de fleurs et de graines de lotus. Les motifs des huit trigrammes sont censés figurer au centre de la poutre principale dans la pièce centrale.

Il faut trois à quatre mois pour achever la construction d’un bâtiment sur pilotis. Le jour où la poutre principale du salon central est installée est un jour de fête. Les autres villageois se rassemblent pour terminer le chantier. Les amis et les proches apporteront des cadeaux en guise de félicitations, tandis que l’hôte les divertira avec un somptueux festin.

Le style distinctif et les connotations culturelles des bâtiments sur pilotis du peuple tujia ont été largement salués. L’architecture adhère à des caractéristiques esthétiques uniques aux Tujia et reflète leurs points de vue sur la vie, leurs normes de moralité, leurs croyances religieuses et leur culture traditionnelle, elle fait donc partie intégrante des bâtiments résidentiels chinois.

 

*GUO ZHIDONG est chercheur en culture traditionnelle chinoise au Musée de la cour n°93, à Beijing.