La civilisation chinoise à travers le prisme des grottes bouddhiques

2022-12-26 09:58:00|La Chine au présent

La Chine compte de nombreuses grottes qui sont en réalité des temples bouddhiques creusés sur les flancs escarpés des montagnes. À l’origine, elles ont été façonnées par des moines qui voulaient échapper au monde et pratiquer leur culte dans les montagnes. Elles ont été introduites en Chine avec le bouddhisme comme l’une des premières formes d’architecture bouddhique. Ces grottes, qui sont largement répandues dans le pays, vastes et riches en significations, ne constituent pas seulement un condensé de la splendide civilisation ancienne de la Chine, mais elles sont aussi un témoignage des échanges et de l’inspiration mutuelle entre les civilisations chinoise et étrangères.

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Grottes à Anyue

Le creusement des grottes bouddhiques chinoises a commencé sous les dynasties des Wei et des Jin (220-420) et a connu une expansion sous les dynasties des Sui (581-618) et des Tang (618-907). Inspirées de l’art du Gandhara, des cavités ont été aménagées en intégrant des techniques traditionnelles de sculpture et de peinture pour créer l’art rupestre à la chinoise. Dans le pays, ces grottes bouddhiques sont divisées en quatre catégories selon leur forme, les différences de leurs statues et leur emplacement : les grottes de la Chine du Nord, les grottes de la Chine du Sud, les grottes du Xinjiang et les grottes du Tibet. Celles de la Chine du Sud représentent près de la moitié du total du pays, et la plupart se trouvent dans la région Sichuan-Chongqing.

Pourquoi tant de grottes bouddhiques ?

Selon les données officielles, à ce jour, on a dénombré plus de 8 000 cavités et sculptures rupestres, réparties dans plus de 50 districts de la région Sichuan-Chongqing. Pourquoi y observe-t-on tant de grottes bouddhiques ? Selon Sun Hua, professeur à l’École d’archéologie et de muséologie de l’Université de Pékin, l’aménagement de ces lieux nécessite certaines conditions essentielles qui sont toutes réunies dans la région : une falaise appropriée, une forte croyance religieuse, une expertise populaire en creusement de grottes et une base socio-économique stable.

Le bassin du Sichuan, où se trouvent le Sichuan et Chongqing, est connu depuis l’Antiquité comme un véritable « Pays de Cocagne » : l’abondance de ses ressources naturelles et la vie aisée de sa population ont constitué un terreau favorable à la multiplication des grottes. En outre, le bassin est vallonné, avec beaucoup de montagnes aux roches tendres, ce qui facilite le creusement de cavités et la sculpture rupestre.

De la fin de la dynastie des Tang au début de la dynastie des Song (960-1279), le bassin du Sichuan a été, durant un certain temps, le centre du bouddhisme et de l’art bouddhiste en Chine. Un grand nombre d’autochtones, représentés notamment par les notables et les riches villageois, le pratiquent alors, ce qui explique pourquoi les sculptures rupestres ont commencé à se répandre dans certains milieux ruraux. Les statues de cette région sont non seulement solennelles, tout comme les grottes ailleurs en Chine, mais elles évoquent davantage la vie ordinaire.

Des grottes bouddhiques variées

En général, on classe les grottes bouddhiques de la région Sichuan-Chongqing en trois catégories en fonction de leur emplacement : les grottes du nord du bassin du Sichuan, celles du centre du bassin et celles de l’est du bassin.

Les grottes du nord du bassin se trouvent essentiellement à Guangyuan et à Bazhong. La falaise des mille bouddhas de Guangyuan se situe sur la rive est de la rivière Jialing. Son creusement a débuté sous la dynastie des Wei du Nord, s’est accéléré sous les dynasties des Tang et des Song et a repris sous le règne de l’empereur Xianfeng de la dynastie des Qing (1851-1861). Ce site comprend 950 niches et constitue l’un des ensembles de grottes les plus importants du Sichuan et même de la Chine.

Le temple Huangze, qui se trouve aussi à Guangyuan et sur la rive ouest de la rivière Jialing, est connu pour ses plus de 1 000 statues datant des dynasties du Sud et du Nord (420-589), des Sui, des Tang et des Song. Le thème et le style des statues du temple Huangze affichent des caractéristiques similaires à celles des temples de la même période dans la plaine centrale, mais l’ornementation du bâtiment est plus délicate et la délicatesse de ses sculptures est plus élevée.

Les grottes de Nankan se situent à 1 km au sud du district de Bazhong. Elles abritent 133 niches et plus de 2 100 statues. Un autre site situé à Bazhong, le temple Shuining, regroupe 38 niches et 316 statues bouddhiques, toutes bien conservées.

Les grottes du centre du bassin se situent principalement à Leshan, Qionglai et Pujiang (aux environs de Chengdu). Leur aménagement a commencé au cours de la dynastie des Tang et de la période des Cinq Dynasties (907-960). Parmi ces sites, le Grand Bouddha de Leshan est le plus célèbre. Cette statue de Bouddha, taillée dans la falaise du mont Lingyun, sur la rive est de la rivière Minjiang, a été sculptée approximativement entre 713 et 803. Elle mesure 71 m de haut, ce qui en fait la plus haute statue en pierre de Maitreya au monde. À Pujiang se trouvent les grottes de Feixiange. Ce site comprend 92 niches et 777 statues, dont la première a été taillée en 689.

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Grottes de Longmen, à Luoyang (Xinhua)

Représentées par des grottes à Anyue et les sculptures rupestres de Dazu, les grottes de l’est du bassin ont été principalement creusées pendant la période des Cinq Dynasties et de la dynastie des Song du Nord. Dans le district d’Anyue, on compte plus de 200 sites d’une certaine envergure, avec plus de 100 000 statues de différentes tailles. Les sculptures rupestres de Dazu, situées dans le district de Dazu à Chongqing, sont des sculptures religieuses datant de la fin de la dynastie des Tang au début de la dynastie des Song. Elles représentent non seulement des sujets bouddhistes, mais aussi des images taoïstes et confucéennes. Renommées pour leur taille imposante, leurs qualités esthétiques et la diversité de leurs sujets, les sculptures rupestres de Dazu sont un exemple de l’art rupestre chinois et sont aussi célèbres que les grottes de Mogao, les grottes de Yungang et les grottes de Longmen. En 1999, ce site a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

Protection et mise en valeur

Selon Huo Wei, doyen de l’École d’histoire et de culture de l’Université du Sichuan, les grottes de la région Sichuan-Chongqing sont bien placées pour devenir le « cœur » des grottes de la Chine du Sud. Il exprime son espoir de voir, un jour, l’organisation des grottes du pays autour de trois pôles, à savoir les grottes dans le nord-ouest du pays (Dunhuang), les grottes dans le bassin du fleuve Jaune (Yungang et Luoyang) et les grottes dans le bassin du fleuve Yangtsé (Sichuan et Chongqing). Cela renforcera considérablement le rôle prédominant des grottes de la région Sichuan-Chongqing dans la stimulation du développement intégré de ses industries culturelles et de son tourisme.

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Le Grand Bouddha de Leshan

Ces dernières années, alors qu’un mouvement en faveur de la protection du patrimoine mondial gagne en popularité, les recherches sur les grottes bouddhiques de la région Sichuan-Chongqing ont été approfondies et la sensibilisation à la protection du patrimoine culturel a été renforcée. De plus en plus de grottes locales ont ainsi été protégées et classées comme sites historiques et culturels aux niveaux national, provincial et municipal. 

 

*HOU WENWEN est journaliste à Chengdu Culture.