La poésie des Tang, un fleuron de la littérature chinoise

2022-12-26 09:58:00|La Chine au présent

La dynastie des Tang est généralement considérée comme un âge d’or pour la poésie chinoise. L’ouvrage Les plus beaux poèmes des Tang (Quan Tang Shi) répertorie 50 000 poèmes de plus de 2 200 auteurs.

Dans la Chine d’aujourd’hui, on se sert souvent d’une compilation de 300 poèmes des Tang. Il s’agit d’une sélection personnelle de Sun Zhu (1711-1778), un fonctionnaire savant de la dynastie des Qing. Son but était de compiler un manuel pour les enfants. Il a donc choisi des poèmes faciles à comprendre et moralement corrects.

Parmi les poètes des Tang qui ont laissé leur nom dans l’histoire, les deux plus célèbres sont Li Bai et Du Fu. Le premier est connu pour son romantisme, tandis que le second est considéré comme un moraliste confucéen avec un sens strict du devoir envers la société.

Des dizaines de poètes mériteraient une présentation, mais faisons connaissance avec trois d’entre eux et voyons comment leurs œuvres reflètent les temps changeants sous les Tang.

Rencontre avec Li Guinian au sud du fleuve Yangtsé

Je vous rencontrais souvent à la demeure du prince Qi.

Je vous entendais souvent jouer

dans le salon de chez Cui Jiu.

À l’époque, le paysage au sud du fleuve était dans toute

sa splendeur.

Je vous rencontre à nouveau au moment où tombent les fleurs.

Ce poème de Du Fu évoque Li Guinian, un musicien très apprécié de la cour, mais tombé en disgrâce au moment de sa rencontre avec le poète.

Né en 712 dans une famille aisée, Du Fu a été élevé par sa tante après la mort précoce de sa mère. Il a beaucoup voyagé durant sa jeunesse et a légué des vers ambitieux comme « L’heure viendra où je monterai sur sa cime, pour regarder les autres montagnes rapetisser. »

La Révolte d’An Lushan, débutée en 755, est un événement traumatisant qui a vu l’unité de la dynastie menacée par les pouvoirs régionaux. Cette agitation politique et militaire est devenue sa source d’inspiration. Il a laissé de nombreux poèmes sur la famine, les troubles sociaux et des tragédies personnelles.

Du Fu est souvent considéré comme un poète-historien, car ses œuvres racontent la vie de personnages historiques, des événements majeurs et la misère des masses populaires. Passons à une œuvre de Li Bai :

À Wang Lun

J’étais sur le point de partir en barque,

Lorsque son chant d’adieu m’est parvenu de la rive

Le lac des Fleurs de Pêcher est fort profond,

Il l’est moins que l’amitié de Wang Lun.

Né en 701, Li Bai a probablement vu le jour dans une ville d’Asie centrale et a grandi dans la province du Sichuan, dans le sud-ouest de la Chine. On sait peu de choses sur sa famille d’origine. Ce qui est sûr, c’est qu’il a beaucoup voyagé dans l’empire, comme Du Fu.

En 725, il a quitté son foyer et erré le long du Yangtsé en composant de la poésie. En 742, il a été convoqué par l’empereur Xuanzong sur recommandation d’un ministre poète, He Zhizhang.

Li Bai était souvent invité à des banquets et à des excursions de la cour. La splendeur du règne de l’empereur sera ainsi immortalisée grâce à ses créations littéraires. Mais il s’est très vite lassé de cette vie mondaine et a été congédié un ou deux ans plus tard. Peu après, il a rencontré Du Fu à Luoyang.

Les œuvres de Li Bai racontent souvent sa propre vie. Très libres sur la forme, ses poèmes nous dévoilent un moment de son existence et nous laissent entrevoir son état d’esprit.

Banquet d’adieu au Pavillon de Xie Tiao

pour mon oncle Yun le réviseur

Ce qui m’abandonne, c’est la journée d’hier qui s’en va

et qu’on ne peut retenir.

Ce qui trouble mon cœur, c’est la journée d’aujourd’hui chargée de tristesse.

Le vent infini sur dix mille li accompagne

les oies sauvages d’automne.

Face à ce spectacle, enivrons-nous dans ce haut pavillon.

Vos écrits rappelant ceux des Han ont la force

de l’ère Jian An.

Vous ajoutez à tout cela la pureté de Xie Tiao.

Vous chérissez des élans qui incitent à faire

des envolées lyriques.

Vous voudriez monter au ciel pour voir le soleil et la lune.

On tire l’épée pour couper l’eau, elle coule en toute beauté.

On lève la coupe pour noyer le chagrin, il augmente.

La vie dans ce monde n’est pas celle qu’on voudrait.

Demain, à l’aube, les cheveux ébouriffés,

nous nous en irons sur une barque légère.

Dernier exemple : Wang Wei. Né en 701, il était poète, peintre, musicien et homme d’État. Il a réussi à l’âge de 20 ans l’examen impérial et obtenu un poste à la cour des Tang.

Sa carrière politique lui a permis de voyager et de séjourner dans le Nord-Ouest, près du désert, d’où ces vers : « Dans le désert immense, la fumée se dresse d’aplomb. Sur l’immense rivière, se couche le soleil rond. »

Pendant la Révolte d’An Lushan, Wang Wei a été contraint de servir An après la chute de la capitale. Lorsque les Tang ont réprimé les forces rebelles, de nombreux fonctionnaires, dont Wang Wei, ont été punis. Il a échappé à la peine capitale grâce à son frère Wang Jin, un militaire qui avait vaincu l’ennemi. Wang Jin a demandé la grâce de l’empereur pour son frère, et un poste humble à la frontière, alors qu’il pouvait obtenir une promotion.

Wang Wei a joui d’une fin de vie paisible dans la capitale, entouré de livres et de peintures. Il est d’ailleurs très connu pour sa peinture paysagère, bien que très peu de ses œuvres nous soient parvenues.

Dans sa poésie, Wang Wei immortalise également les paysages naturels. Il excelle dans les pentasyllabes.

Le mont vide

Sur le mont vide, on ne voit personne.

Seules des paroles d’homme se font entendre.

Le soleil pénètre la forêt profonde.

Et éclaire la terre moussue.

La poésie était incontournable dans la vie sociale des Tang, à l’occasion de fêtes, d’une séparation ou d’un banquet donné par l’empereur ; quand on était heureux ou lors de moments difficiles.

 

Les vers ont été traduits par Hu Pinqing, également auteure de Trois cents poèmes des Tang publié par la maison d’édition de l’Université de Beijing.