Les jeunes à la rencontre de l'opéra du Sichuan

2023-09-25 10:12:47|La Chine au présent

L’opéra du Sichuan est un opéra chinois traditionnel surtout populaire dans le sud-ouest de la Chine. C’est à Chengdu qu’il est très réputé pour son raffinement et son dynamisme. On peut le voir partout, dans les théâtres comme dans les rues, dans les vidéos promotionnelles de Chengdu comme dans les produits culturels et créatifs. Il apparaît ainsi au quotidien dans ses innombrables facettes.

L’opéra du Sichuan a une longue histoire, les classiques ayant le pouvoir de durer éternellement comme on le voit aujourd’hui. De plus en plus de jeunes chinois s’y intéressent, s’y adonnent et le diffusent, permettant à cet art de se perpétuer et de briller de tous ses feux. 

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Forte popularité auprès des jeunes

À l’Institut de recherche sur l’opéra du Sichuan de Chengdu, plus de 60 % des acteurs ont moins de 45 ans, les moins de 30 ans étant les plus nombreux. Wang Yuren, jeune acteur d’opéra du Sichuan de 24 ans, vient d’une famille rompue à cet art. Ses grands-parents étaient tous deux acteurs de l’opéra du Sichuan. Son père, Wang Chao, est célèbre dans cet art et a reçu le prix d’interprétation « Fleur de Prunier », la plus haute distinction dans l’opéra traditionnel en Chine. Wang Yuren a appris l’art du bianlian (visage changeant) à l’âge de 3 ans, participé au Gala de la fête du Printemps de CCTV à 7 ans et remporté la médaille d’or d’interprétation à l’âge de 12 ans.

L’opéra du Sichuan est pour lui la continuation de l’esprit familial, un métier qui lui assure la sécurité matérielle, et une voie à suivre avec détermination. Il a ainsi écrit et monté la pièce martiale « Le Voleur de la couronne et de la robe royale » dans laquelle il joue le rôle principal, l’âge moyen des acteurs n’étant que de 25 ans. La pièce a remporté un grand succès et a été applaudie par les anciens.

Pour faire ressortir l’expressivité, Wang Yuren a également essayé d’intégrer des personnages connus de différentes œuvres dans la même pièce. Il arrange actuellement une pièce expérimentale qu’il prévoit de présenter cet été, avec de jeunes acteurs tels que Li Linglin, Wang Yaochao et Deng Fangyuan.

« Le nombre de jeunes qui regardent l’opéra du Sichuan augmente progressivement, et il pourrait y en avoir encore davantage », estime-t-il. Selon lui, il existe un seuil pour apprécier l’art, mais à mesure que le public améliore ses connaissances dans la culture traditionnelle et son sens esthétique, ce seuil peut être progressivement franchi. Si l’opéra du Sichuan a un tel attrait, c’est en raison de son profond héritage culturel, qui est la cristallisation de la sagesse de plusieurs générations et qui est transmis comme un trésor.

Dans la soirée du 25 avril, à la salle de concert de Chengdu, la version jeunesse de « La Brindille de prunier rouge » a été jouée, avec en vedette Li Linglin et Wang Yuren. Il s’agit de la meilleure pièce de l’Institut de recherche sur l’opéra du Sichuan de Chengdu. Elle a été créée par Xu Fen et interprétée auparavant par Chen Qiaoru, une célèbre artiste qui a remporté le prix « Fleur de prunier » à deux reprises. C’est le « graal » des amateurs de ce style d’opéra et la version jeunesse a répondu aux attentes du public. Pour Li Linglin, Wang Yuren et d’autres jeunes interprètes, ce n’est qu’un début. Le défi auquel ils sont confrontés, ce n’est pas seulement la représentation, c’est aussi la transmission et l’innovation dans l’art de l’opéra du Sichuan.

Le développement rapide d’Internet a ouvert une nouvelle fenêtre permettant à davantage de jeunes de connaître l’opéra du Sichuan. Par exemple, la version jeunesse de « La Brindille de prunier rouge » a également été diffusée en direct en ligne simultanément, afin que le public puisse en voir l’intégralité sur un smartphone.

La maquilleuse Chen Lanxin aime regarder l’opéra du Sichuan depuis qu’elle était enfant et trouvait que les costumes des jeunes personnages féminins étaient magnifiques. Elle a commencé par hasard son apprentissage et grâce à une pratique continue, elle a ressenti la beauté de cet art traditionnel chinois. « Lire différents scénarios et jouer dans différentes pièces, c’est comme vivre des vies différentes », explique-t-elle. Selon elle, c’est un cliché de penser que le public de l’opéra du Sichuan vieillit. Avec la promotion et la vulgarisation de la culture de l’opéra du Sichuan dans les salles de classe, le jeune public s’y intéresse davantage et va voir les représentations. « Beaucoup pensent que c’est un plaisir de l’esprit. » 

Le spectacle sur scène et dans le public

L’après-midi du 22 avril, les extraits des pièces « Kao Hong » et « Dongchuang Xiuben » ont fait salle comble sur la scène du Jardin du Sichuan au Parc artistique Tianfu à Chengdu. Xiao Cui, 24 ans, y est allé spécialement pour voir ce spectacle avec ses camarades de classe. « Les costumes, les maquillages et les accessoires étaient magnifiques et la représentation très réaliste. L’opéra du Sichuan répond à l’esthétique de nombreux jeunes du pays ! »

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Le public regarde les acteurs et Wang Yuren observe parfois le public. Il se souvient très bien qu’un jour de 2019, il interprétait un extrait de la pièce « Le village de la fleur de pêcher » au Jardin de thé Yuelai. Il y jouait le rôle de Cui Hu, un érudit en sortie printanière en banlieue, qui rencontre Yao Xiaochun, une lavandière au bord d’un ruisseau : tous deux tombent amoureux. Sur la scène, les deux acteurs pouvaient apercevoir dans le public des sourires complices sur le visage de plusieurs jeunes filles. « Cela a été comme une confirmation et un encouragement », remarque Wang Yuren. Au théâtre, il y a des publics très différents, mais la poursuite de la vérité, de la bonté et de la beauté, et l’aversion pour le faux et le laid sont des valeurs communes. Lorsqu’une pièce débute, un champ social temporaire se forme sur scène et hors de la scène, et tout le monde est plongé dans la même intrigue, à la recherche d’une libération des émotions, d’une résonance. « À ce moment-là, les spectateurs sont aussi dans la pièce. » Pour Wang Yuren, la transmission de la culture de l’opéra du Sichuan ne se fait pas seulement sur scène. Ceux qui voient et diffusent l’opéra du Sichuan ne sont-ils pas aussi des personnages de la pièce ?

Né en 1994, Zhu Tiexiong s’intéresse à la culture traditionnelle depuis l’enfance. Depuis 2021, il se sert de la culture traditionnelle pour s’exprimer dans de courtes vidéos à travers le cosplay et les effets spéciaux que les jeunes apprécient. Il promeut et transmet la culture traditionnelle chinoise tout en espérant les éveiller à la protection de la culture. Pour cette raison, il s’est installé à Chengdu en mars 2022 afin de se consacrer à la création de vidéos courtes dans lesquelles on trouve notamment des éléments du patrimoine culturel immatériel tels que le bianlian, les cracheurs de feu et les éclaboussures de métal en fusion de l’opéra du Sichuan. En racontant des histoires et en utilisant des effets spéciaux numériques, il diffuse la culture de l’opéra traditionnel du Sichuan de manière vivante et éclatante.

L’opéra du Sichuan est également présent sous forme d’expositions. En 2021, les commissaires d’exposition, Zuo Zuo et Xia Xia, deux jeunes eux aussi, ont commencé à se demander comment, en cette ère de diversité technologique, créer une « réaction chimique » entre les jeunes et l’opéra du Sichuan. « Nous tentons de faire des expositions sur le thème de l’opéra du Sichuan que les grands-parents comme les petits-enfants peuvent visiter. » Pour Zuo Zuo, l’intention initiale est d’utiliser la créativité visuelle moderne et la technologie numérique pour rapprocher émotionnellement le grand public de la culture de l’opéra du Sichuan, afin que les jeunes voient ce trésor traditionnel et le transmettent.

La transmission de la culture ne s’est jamais faite du jour au lendemain, mais plutôt discrètement et subtilement. À Chengdu, l’opéra du Sichuan devient un nouveau mode de vie pour les jeunes, et au fur et à mesure qu’ils verront les pièces, les comprendront, les aimeront et les diffuseront à leur manière, le public deviendra lui aussi un acteur. 

Le nouveau visage changeant de l’opéra du Sichuan

En mentionnant l’opéra du Sichuan, beaucoup de gens pensent d’abord au bianlian, un art typique de l’opéra du Sichuan avec ses changements instantanés de masques colorés et décorés qui semblent aussi réels que des visages avec leurs traits expressifs. L’opéra du Sichuan d’aujourd’hui ne consiste pas simplement à murmurer une romance sur scène, ce n’est pas seulement une méthode d’écriture, mais aussi un art aux visages de plus en plus nombreux, à l’image du bianlian.

En mai 2019, l’Institut de recherche sur l’opéra du Sichuan de Chengdu a coopéré avec le projet « Alliance des trésors nationaux » de la plateforme numérique de Taobao. Il combine les figures maquillées du bianlian pour créer et lancer des masques de l’opéra du Sichuan, en utilisant le maquillage des personnages classiques de la littérature chinoise classique comme Bai Suzhen, Mu Guiying et Diao Chan, afin de faire entrer l’opéra du Sichuan dans la vie quotidienne.

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De nouveaux éléments de l’opéra du Sichuan ont également été fréquemment observés dans des événements sportifs. Au marathon de Chengdu en septembre 2018, la compétition n’avait pas encore commencé que la médaille était déjà très populaire. Leur créateur a mélangé subtilement les deux éléments si reconnaissables de Chengdu, le maquillage facial de l’opéra du Sichuan et les pandas géants. C’était à l’origine un visage d’opéra du Sichuan, mais en retournant la médaille dans un certain angle, on aperçoit un panda géant, formant ainsi un fort contraste attendrissant. Cette médaille est l’expression créative des différents visages de l’opéra du Sichuan et elle implique l’intégration et la symbiose de l’homme et de la nature. Quand les 28 000 marathoniens ont fini leur course avec enthousiasme à Chengdu, ils ont pu recueillir un autre visage de l’opéra du Sichuan et le chérir.

Avec le développement rapide de la création culturelle numérique, l’opéra du Sichuan explore également les possibilités qu’elle peut offrir. En novembre 2022, Jiang Wanwan, une photographe de Chengdu, a fait don des droits d’auteur numériques de centaines de photographies de l’opéra du Sichuan à l’Institut de recherche sur l’opéra du Sichuan de Chengdu. Grâce au numérique, cet art se développe plus profondément et plus largement, donnant un espace d’imagination plus vaste.

Dans le processus de transmission et de protection sur scène comme hors de la scène, l’opéra du Sichuan se nourrit du terreau de la culture traditionnelle et absorbe les gènes de la nouvelle ère pour devenir un aspect important du charme urbain de Chengdu.


ZHANG MAN est journaliste à Chengdu Culture.